Le mépris des acquis et des automatismes fondamentaux a entraîné une lecture au pifomètre dévastatrice. Claude Duneton (1935-2012) explique pourquoi il est nécessaire voire vital pour l’avenir du français de rendre sa rigueur à notre grammaire dévoyée au profit d’une vision fantaisiste de penseurs autoproclamés pédagogues.
D’où vient que des gens diplômés, exerçant une fonction officielle au sein de l’appareil administratif français, parsèment leurs moindres communications de grosses fautes d’orthographe? Ces erreurs grossières étaient jadis le lot des semi-illettrés, telles qu’on les trouve dans la correspondance des poilus de 14-18 écrivant à leur famille. Je crains qu’aujourd’hui ces graphies vacillantes ne soient le symptôme d’une carence plus grave.
Le français, de part sa nature vocalique, fourmille d’homophones. Le son la n’est rien en soi, car ce peut être aussi bien l’article féminin, la truite, que le pronom, il la voit, la note la (si do), également la composition élidée avec le verbe avoir, il l’a vue, et bien sûr l’adverbe là avec sa casquette. Oh là là!… Toute l’astuce est de savoir les distinguer. Que faut-il pour cela? C’est simple: il faut une formation grammaticale de base à la fois rudimentaire et solide, sinon il est impossible de faire le tri entre on l’a vu et on la voit…